RESULTATS DE LA MODELISATION ETEM-AR
1. Scénarios déterministes
Pourquoi de tels scénarios?
L'analyse par scénarios présente deux intérêts. D'une part, elle permet d'étudier le système énergétique dans différents contextes et de fournir aux décideurs des éclairages sur les futurs possibles. D'autre part, elle est requise pour identifier les variables du modèle sensibles aux paramètres d'entrée du modèle. Les variables et paramètres "sensibles" ainsi identifiés sont des candidats aux analyses d'incertitudes, que l'origine soit climatique, technologique ou politique. Sans une telle analyse préliminaire de scénarios déterministes, l'analyse stochastique, l'analyse de robustesse et l'analyse de vulnérabilité présentent le risque de porter sur des paramètres et variables sans grande influence.
Scénarios étudiés
Tableau 1 : Objectifs des différents scénarios étudiés
Les hypothèses les plus importantes correspondant aux scénarios modélisés sont les suivantes:
- Prix de l'électrité: +/- 40% par rapport au scénario standard
- Prix des énergies fossiles: +/- 40% par rapport au scénario standard
- Variations des demandes de chauffage et de refroidissement: multipliées jusqu'à 5 fois pour le refroidissement et réduite jusqu'à 30% pour le chauffage, par rapport au scénario standard,. Ces variations sont fondées sur les degrés-jours de refroidissement et de chauffage obtenus à partir des modèles climatiques étudiés (voir analyses climatiques)
- Variation du facteur de disponibilité de la centrale de Golfech sous l'effet des changements climatiques: baisse de 7 points de pourcentage en été, reflétant l'accroissement possible du nombre de jours de vague de chaleur (plus de 30°C durant au moins 6 jours - voir analyses climatiques)
Figure 1 : Prix du gaz et du pétrole
Les scénarios qui vont nous intéresser tout particulièrement sont le scénario d'adaptation (scénario prenant en compte le changement climatique) et le scénario d'adaptation et d'atténuation (scénario prenant en compte le changement climatique et les contraintes sur les émissions des gaz à effet de serre). Ces deux scénarios correspondent aux scénarios BAU+CC et LimiteCO2eq+CC.
Résultats
Les deux figures suivantes présentent les variations de consommation d’énergie dans les bâtiments entre les scénarios avec et sans prise en compte des impacts des changements climatiques sur le chauffage et la climatisation, dans le cas de référence (Figure 2) et dans un cas avec limite de CO2 (Figure 3). Les variations de température se traduisent par une augmentation de la consommation d’électricité pour la climatisation des bâtiments, et une diminution de la consommation de gaz et de bois pour le chauffage des espaces (Figure 2). Même si les variations de la consommation de gaz sont de même envergure entre les scénarios avec et sans limite d’émissions, la diminution observée dans le scénario avec limite de CO2 signifie une disparition presque totale du gaz dans les bâtiments, puisque la contrainte d’émissions fait diminuer l’usage du gaz, avant même la prise en compte des impacts des changements climatiques (Figure 3). Les variations moindres observées pour l’électricité dans le cas avec limite de CO2 s’expliquent par la plus grande part de l’électricité dans le bilan énergétique du secteur soumis à contrainte d’émissions (Figure 3).
Figure 2 : Variation des consommations d’énergie par les bâtiments entre le cas avec et le
cas sans changements climatiques (scénario de référence)
Figure 3 : Variation des consommations d’énergie par les bâtiments entre le cas avec et le
cas sans changements climatiques (scénarios avec limite des émissions de CO2éq)
Des impacts indirects sont visibles dans le secteur industriel, dans le cas avec limite d’émissions (Figures 4 et 5) : une tendance à la substitution de l’électricité par du gaz est observée dans le secteur industriel pour rendre disponible l’électricité requise par les bâtiments du fait de l’augmentation de l’électricité. En effet, dans le cas avec limite de CO2, la consommation d’électricité augmente par rapport au scénario de référence ; l’augmentation de la climatisation, sous effet des changements climatiques, renforce la demande d’électricité, elle-même soumise à la contrainte d’émissions (éviter les sources d’émissions), aux contraintes de disponibilité locale d’énergie à faible émission et d’achat d’électricité sur le marché national. Ainsi, ETEM propose une sorte de réallocation de la consommation d’électricité du secteur industriel vers les bâtiments, du fait des impacts des changements climatiques, et ceci, à émissions totales constantes, mais à émissions sectorielles différentes : les émissions des bâtiments diminuent sous l’effet direct de la diminution du chauffage au gaz, mais les émissions du secteur industriel augmentent sous l’effet indirect du transfert de gaz du secteur des bâtiments vers l’industrie, et d’électricité de l’industrie vers les bâtiments. Cet effet n’est pas observé dans le scénario de référence dans lequel la consommation d’électricité est plus faible, offrant une plus grande flexibilité dans son augmentation.
Figure 4 : Émissions sectorielles, avec et sans changements climatiques (scénario de référence)
Figure 5 : Émissions sectorielles, avec et sans changements climatiques (scénarios avec
limite des émissions de CO2éq)
Suivant les remarques précédentes, les variations de production d’électricité sont plus importantes dans le scénario de référence que dans le scénario avec limite de CO2 (Figures 6 et 7), dans lequel l’électricité représente une part importante du bilan énergétique pour contribuer aux réductions d’émissions. Ainsi, tandis que les achats d’électricité sur le marché national (noté importations dans les figures) contribuent largement à satisfaire la demande d’électricité additionnelle pour la climatisation dans le scénario de référence, c’est l’hydroélectricité qui joue ce rôle dans le scénario avec limite de CO2, parce que la borne supérieure imposée sur les achats d’électricité est atteinte dans ce cas.
Figure 6 : Variations de production d’électricité avec et sans changements climatiques
(scénario de référence)
Figure 7 : Variations de production d’électricité avec et sans changements climatiques
(scénarios avec limite d’émissions de CO2éq)
2. Analyse multi-objectif
Vulnérabilité de la région
À la lumière des variations des paramètres climatiques estimées pour la région, les niveaux de vulnérabilité des variables du système énergétique de la région sont estimés comme suit:
Table 2 : Variables sensibles au changement climatique
Scénarios
L'analyse multi-objectif consiste donc à minimiser en même temps les coûts engendrés par le système énergétique et la vulnérabilité du système énergétique face au changement climatique. Ces deux contraintes ne sont cependant pas réellement corrélées. On entend par là que la réduction des coûts du système énergétique n'est pas complétement compatible avec la réduction de la vulnérabilité notamment en termes de politique de réduction d'émissions de gaz à effet de serre. En effet, les énergies renouvelables et dites "propres" ont un coût plus élevé que les énergies fossiles, et sont plus sensibles aux impacts du changement climatique. Ce sont donc des énergies plus chères et plus vulnérables qui permettent de répondre à la demande de réduction de gaz à effet de serre. Il s'oppose donc deux scénarios qui vont être analysés ci-dessous. D'un côté un scénario sans limite d'émissions et de l'autre un scénario avec limite d'émissions de gaz à effet de serre.
Résultats
Les scénarios de réduction de la vulnérabilité du système énergétique, dans lesquels la minimization d'un indicateur de la vulnérabilité climatique du système énergétique s'ajoute à l'objectif de minimisation des coûts (voir méthodologie "analyse multi-objectifs") supposent un surcoût « autorisé » du système énergétique jusqu’à 5% par rapport au scénario optimal de référence. Les courbes de « trade-off » entre la réduction de la vulnérabilité et le surcoût du système montrent (Figure 8 et 9) que la vulnérabilité est plus difficile à réduire dans le cas avec limite d’émission, du fait de l’importance des énergies renouvelables dans les mesures d’atténuation, tandis que les énergies renouvelables font aussi partie des énergies potentiellement vulnérables aux changements climatiques futurs.
Figure 8 : Relation entre la réduction de la vulnérabilité climatique et le surcoût engendré par le système énergétique (cas sans limite d'émissions)
Figure 9 : Relation entre la réduction de la vulnérabilité climatique et le surcoût engendré par le système énergétique (cas avec limite d'émissions)
Il est intéressant de noter le rôle du gaz, à la fois dans la production d’électricité (Figures 10 et 11) et dans les bâtiments, comme option de réduction de la vulnérabilité du système énergétique lorsqu’il n’est pas soumis à des limites d’émissions. Une telle stratégie se traduit en une augmentation des émissions jusqu’à 30%. Autrement dit, la réduction de la vulnérabilité se traduit dans ce cas en une plus forte contribution aux émissions.
Figure 10 : Variation de production d’électricité pour réduire la vulnérabilité (scénario de référence)
Figure 11 : Variation de production d’électricité pour réduire la vulnérabilité (scénario avec limite d’émissions de CO2)
3. Analyse de robustesse
Incertitudes
Le tableau ci-dessous résume les sources d’incertitudes prises en compte dans nos différentes analyses. Pour chaque paramètre affecté par l’incertitude, nous donnons la plage de variation du paramètre en question.
Tableau 3 : Plages de variation des paramètres incertains
Scénarios
Nous avons appliqué l’optimisation robuste sur les scénarios intégrant l’impact du changement climatique sur les demandes de climatisation et de chauffage, avec et sans limite sur les émissions de CO2.
Résultats
L’optimisation robuste contribue à une plus grande diversification dans les choix technologiques et par conséquent du mix énergétique. A titre d’illustration, les deux graphiques ci-après (Figure 12 et 13) montrent l’évolution du parc automobile dans le scénario déterministe et dans le scénario robuste dans les deux cas avec limite sur les émissions de CO2. Dans le premier, les voitures hybrides occupent l’ensemble du marché alors que dans le deuxième, la robustesse permet la pénétration des voitures électriques, biodiesels et bioéthanol.
Figure 12 : Secteur du transport pour le scénario déterministe avec contrainte sur les émissions
Figure 13 : Secteur du transport pour le scénario robuste avec contrainte sur les émissions
Une conclusion importante est que le coût de la robustesse pour le système énergétique est globalement assez réduit et ce, quelque soit le scénario étudié (e.g., +1.3% sur le scénario sans limite sur le CO2). Un autre effet intéressant de la robustesse est sa contribution à réduire notablement la vulnérabilité du système énergétique. Cela s’explique simplement par le fait que les incertitudes portent sur les technologies vulnérables. Réduire l’incertitude contribue donc à réduire la vulnérabilité et vice-et-versa. Enfin, nous avons observé que la robustesse a des effets négatifs sur les émissions de CO2. En effet, pour réduire l’incertitude pesant sur le système le modèle privilégie des solutions alternatives peu coûteuses et généralement émettrices telles les technologies au gaz. Dans le cas du scénario sans limite de CO2, on arrive à une augmentation de 7 à 8% des émissions en fin d’horizon.
4. Analyse stochastique
Incertitudes
Les incertitudes considérées sont: les demandes de chauffage et de refroidissement, qui dépendent des changements climatiques futurs, la disponibilité de la centrale de Golfech, sous l'effet des changements climatiques ou de toute politique de fermeture éventuelle, la disponibilité des centrales hydroélectriques, sous l'effet des changements climatiques et/ou de leurs acceptabilités sociales, et finalement, les prix des énergies fossiles sur les marchés mondiaux.
Scénarios
L'arbre d'incertitudes se présente comme suit:
Figure 14 : Arbre d'incertitudes
Résultats
L’arbre d’événements ci-dessus représente deux scénarios contrastés d’évolution des paramètres incertains du modèle que nous nommerons « Marché électrique de référence » et « Tension marché électricité ». Le premier scénario représente une évolution BAU (Buisness As Usual) du système énergétique alors que dans le deuxième scénario, les changements climatiques impactent les demandes futures de chauffage et de climatisation, la disponibilité en été des centrales hydroélectriques et nucléaires et les prix des énergies fossiles. Dans ce dernier scénario, on impose également des contraintes sur les émissions pour simuler une prise de conscience de ces changements climatiques au niveau politique.
Les figures ci-dessous (Figure 15 et 16) illustrent l’évolution du secteur du transport pour chacune des branches de l’arbre d’événement. Les parties précédant 2030 sont identiques pour les deux scénarios par définition. On observe que le modèle commence à introduire les voitures électriques à partir de 2020, toujours dans cette optique de se protéger dans le cas de probables coûts élevés pour le scénario extrême.
Figure 15 : Evolution du secteur du transport pour les scénarios « Marché électrique de référence »
Figure 16 : Evolution du secteur du transport pour les scénarios « Tension marché électricité »